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Intelcia. Karim Bernoussi, le PDG qui s’apprête à franchir le cap symbolique du milliard d’euros

Intelcia, le groupe de relation client fondé par les Marocains Karim Bernoussi et Youssef El Aoufir, poursuit son expansion à un rythme impressionnant. Après une nouvelle implantation au Brésil cette année, l’outsourceur marocain a inauguré, en six mois, des plateformes en Tunisie, en Égypte et un nouveau siège au Portugal. En cinq ans, son chiffre d’affaires a presque quadruplé, et Intelcia vise désormais le milliard d’euros en 2025. Créée il y a 24 ans comme une startup de 200 employés, l’entreprise s’est transformée en une multinationale présente dans 19 pays et comptant 40 000 collaborateurs. Aujourd’hui, leader au Maroc et 26e plus grande entreprise du pays, Bernoussi continue d’envisager un développement sans limites.

Fin avril dernier, Intelcia, cofondé par son PDG Karim Bernoussi et son directeur général Youssef El Aoufir, a renforcé sa présence au Portugal en inaugurant en grande pompe un nouveau siège à Lisbonne, dans le quartier du Parque das Nações. La cérémonie, en présence du secrétaire d’État à l’Économie portugais, João Rui Ferreira, et de l’ambassadeur du Maroc au Portugal, Othmane Bahnini, marque une étape importante pour Intelcia Portugal.

Expansion vers le Portugal, le Brésil et renforcement en Afrique du Nord

Ce siège de 4 000 m² peut accueillir plus de 500 collaborateurs et fait du pays un véritable hub multilingue, fournissant des services en sept langues. Depuis son arrivée au Portugal en février 2019, Intelcia a connu une expansion fulgurante, passant de 50 employés à 4 800 en une seule année, puis à 6 000 en 2021 et atteignant aujourd’hui 7 000 collaborateurs répartis sur 13 sites, représentant 41 nationalités.

L’outsourceur marocain accorde une grande importance au marché lusophone, ce qui s’est traduit par une implantation en début d’année au Brésil, une étape clé pour consolider sa position dans cet espace lusophone. Fort de ce développement, Karim Bernoussi espère reproduire le succès qu’Intelcia a connu sur le marché français depuis 2011.

Au cours des six derniers mois, Intelcia a poursuivi son expansion internationale avec l’ouverture de plateformes en Tunisie et en Égypte. À Tunis Lac, le groupe a installé une nouvelle plateforme de 6 000 m², tandis qu’au Caire, un centre offrant des services en anglais, italien et allemand, a été inauguré avec 800 postes de travail. Ces deux projets, représentant des investissements de plusieurs millions d’euros, visent à moderniser les infrastructures et soutenir la croissance du groupe auprès de nouveaux clients.

Fondée il y a 24 ans avec 200 employés, Intelcia est devenue une multinationale présente dans 19 pays, employant 40 000 collaborateurs répartis sur 88 sites en Europe, en Afrique et en Amérique. Un succès impressionnant pour Karim Bernoussi, aujourd’hui âgé de 61 ans, qui n’avait que peu de connaissances des centres d’appels au début de cette aventure entrepreneuriale.

Un parcours inspirant : de Microsoft à la création d’Intelcia

Diplômé de Télécom ParisTech (École Nationale Supérieure des Télécommunications de Paris) en 1987, Karim Bernoussi a débuté sa carrière chez Steria, exerçant dans plusieurs pays (Allemagne, Arabie Saoudite, France, Philippines) avant de rentrer définitivement au Maroc en 1991. Il occupe d’abord le poste de Chef de Service Réseau Commercial à l’Office National des Postes et Télécommunications (ONPT).

En 1992, il est recruté par le Secrétariat de Feu SM le Roi Hassan II pour participer à la création de l’Université Al Akhawayn, où il est responsable de l’organisation et du système d’information, ainsi que du recrutement du personnel administratif et enseignant. Après l’inauguration de l’université en 1995, il devient Directeur des Ressources Humaines et des Affaires Générales au Ministère des Pêches Maritimes, contribuant activement à sa modernisation.

En 1998, il rejoint Maroc Telecom (anciennement ONPT) en tant que Directeur du Pôle Ressources et membre du Comité Exécutif.

Deux ans plus tard, il intègre Microsoft comme Directeur Général Maroc et devient, un an plus tard, Directeur Régional pour l’Afrique du Nord, supervisant les activités de Microsoft au Maroc, en Algérie et en Tunisie, et lançant les opérations en Mauritanie et en Libye.

Création de TWW et les premiers défis

Cette année 2000, Karim Bernoussi, accompagné de son ami feu Kamil Benjelloun, fondateur de CBI, envisageait également de lancer un centre d’appels offshore. C’était alors le début de cette industrie au Maroc, avec seulement un ou deux acteurs présents dans le pays. Ils ont ainsi parcouru l’Europe pour rencontrer des experts du secteur et ont réussi à convaincre Transcom, une société suédoise, d’ouvrir son premier centre d’appels à Casablanca. Ainsi démarra l’aventure !

En tant que propriétaire partiel de Transcom Worldwide Maroc (TWW), une société pionnière de la relation client, Karim Bernoussi, en collaboration avec Hassan Mansouri, alors directeur général de CBI, et le regretté Kamil Benjelloun, prend le contrôle de l’entreprise. Le trio s’était connu dans le cadre de relations d’affaires, lorsque Kamil Benjelloun fournissait des services à Maroc Telecom, alors dirigé par Bernoussi. Benjelloun, en tant que président de TWW jusqu’en 2006, a joué un rôle déterminant dans les débuts de l’entreprise. Véritable visionnaire, il était l’un des premiers entrepreneurs marocains à percevoir le potentiel des technologies de l’information (IT), secteur promis à un impact profond sur le monde.

À cette époque, Karim Bernoussi, actionnaire passif de TWW, quitte Microsoft pour se lancer dans deux entreprises, l’une dans les logiciels et l’autre dans les transports, toutes deux connaissant un succès notable. Avec ses nouveaux projets en main, il propose à ses partenaires marocains, Kamil Benjelloun et Hassan Mansouri, de vendre leurs parts de TWW. La société, alors valorisée à environ 20 millions de DH, pourrait rapporter près de 8 millions de DH aux actionnaires marocains.

Toutefois, une désillusion naît de la stratégie de Transcom qui, au lieu d’investir dans le centre d’appels marocain, préfère ouvrir une grande structure en Tunisie. Ce choix déçoit les partenaires marocains, qui se retrouvent avec un refus de rachat de leurs parts par Transcom. Dans ce contexte, Karim Bernoussi propose de racheter les 60 % détenus par Transcom, offrant de prendre la tête de l’entreprise pour la faire grandir. En fin 2005, un accord est scellé : l’actionnariat marocain reprend l’entièreté de TWW, et Karim Bernoussi monte à 35 % du capital. En 2006, il prend officiellement les commandes de l’entreprise, prêt à l’emmener vers une expansion ambitieuse, posant ainsi les jalons de ce qui deviendra l’aventure Intelcia.

La collaboration avec Youssef El Aoufir, un partenariat décisif

Pour relever ce défi entrepreneurial, Karim Bernoussi a fait appel à son ancien collègue, Youssef El Aoufir, ancien directeur de Microsoft Maroc et qu’il considère comme son « copilote ». Tous deux avaient échangé de longues discussions chez Microsoft sur la faible présence de grandes entreprises IT au Maroc. C’est donc avec enthousiasme que Youssef rejoint Intelcia en 2007, prenant la responsabilité des opérations.

Juste après, Bernoussi réussit à obtenir une option d’achat sur les parts de ses coactionnaires Benjelloun et Mansouri, qui possédaient chacun 30 % de TWW. Celle-ci est ensuite écartée, mais les difficultés de trésorerie demeurent. Karim en informe ses actionnaires, ouvrant la voie aux négociations bancaires pour soulager la trésorerie. Avec sa directrice financière, il monte un dossier de financement et le présente à Joël Sibrac, directeur général de la BMCI d’alors, qui accorde un crédit de 4 millions de DH. Ce financement stabilise Intelcia, permettant de passer de la crise à la sérénité.

La complémentarité entre Bernoussi et El Aoufir, ancrée dans une amitié remontant à 1992, a été l’une des clés de leur succès commun. Leurs premiers échanges professionnels se sont faits dans le cadre de la création de l’Université Al Akhawayn. Bernoussi, en tant que responsable de la partie technologique, et El Aoufir, alors consultant chez IBM, ont collaboré à mettre en place les installations informatiques de l’université, comprenant le premier nœud d’accès Internet du Maroc. Après ce projet, leurs parcours se sont croisés à plusieurs reprises, notamment chez Microsoft, où Bernoussi, devenu directeur général, fera appel à El Aoufir pour un poste clé. En 2006, alors que Bernoussi reprend Intelcia, il parvient une nouvelle fois à convaincre El Aoufir de se joindre à lui, lui proposant de créer une entreprise qui refléterait leurs valeurs communes.

Peu après son arrivée chez Intelcia, Youssef El Aoufir décroche un contrat prestigieux avec Google, renforçant ainsi la position de l’entreprise sur le marché marocain.  En 2009, Intelcia réalise son premier exercice rentable, grâce au projet Google. Avec en plus l’arrivée de Lenovo, le sentiment du devoir accompli remplace les turbulences, marquant la fin d’un chapitre et le début d’un nouveau.

Acquisition de The Marketingroup : une percée sur le marché français

Il faut dire que malgré un démarrage difficile marqué par des pertes financières dues au manque d’expérience dans le secteur des centres d’appels, Karim et Youssef découvrent rapidement que, pour survivre, il est crucial de croître rapidement. En 2010, Intelcia connaît un tournant décisif avec l’acquisition d’Eurocall, doublant ainsi sa taille, et accueille dans son capital le fonds d’investissement CDG Capital Private Equity, qui prend une participation de 27,5 %.

En 2011, la stratégie d’expansion se poursuit avec l’acquisition de The Marketingroup, une société française cotée à la Bourse de Paris, pour 15 millions d’euros. Cet investissement audacieux permet à Intelcia de disposer de quatre sites en France et d’accéder à un millier de nouveaux collaborateurs.

Cette opération surprend le marché, car il est rare de voir une entreprise marocaine acheter une société française, dans un contexte où les investissements sont généralement dirigés du Nord vers le Sud. Pour Intelcia, cette implantation en France est essentielle pour mieux servir ses clients et s’ancrer plus solidement sur le marché européen, malgré les défis liés aux spécificités du droit social français.

En 2012, Intelcia entre dans le top 10 des entreprises francophones du secteur, marquant une étape importante dans son développement. Afin de consolider cette position, l’entreprise décide de renforcer sa présence en Afrique subsaharienne, avec des sites ouverts successivement au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, puis à Madagascar et à Maurice. Cette expansion africaine s’inscrit dans la stratégie de Bernoussi, qui cherche à réduire le risque de dépendance à quelques grands clients en diversifiant la base de clientèle d’Intelcia.

L’entrée d’Altice et l’ambition d’une croissance mondiale

Karim Bernoussi résume souvent sa vision ainsi : « Si mon objectif avait été de créer une entreprise locale, avec des dividendes annuels, je n’aurais pas impliqué de fonds d’investissement. » Sa priorité étant l’expansion, il savait que la réussite nécessitait des partenaires financiers solides, capables de soutenir des acquisitions rapides. Le premier fonds d’investissement a d’ailleurs permis à Intelcia de structurer ses activités pour en faire une entreprise professionnelle et bien au-delà d’une PME. En 2016, ce fonds se retire du capital avec une plus-value, laissant place au groupe Altice, dirigé par Patrick Drahi, un milliardaire natif de Casablanca. Altice, en prenant 65 % des parts d’Intelcia, voit en elle un maillon essentiel pour maîtriser l’ensemble de sa chaîne de valeur.

Pour Intelcia, l’entrée d’Altice dans son capital est une opportunité de croissance internationale accélérée. C’est durant le processus de rachat des parts de ses associés marocains que Karim Bernoussi rencontre Patrick Drahi, PDG d’Altice, par l’entremise de Laurent Grimaldi, un camarade de ParisTech. Bien que diplômés de cette école (Bernoussi en 1987 et Drahi en 1988), ils ne se sont jamais croisés durant leurs études. Leur première rencontre se fait fin 2007, lorsque Bernoussi lui expose son projet et ses ambitions pour Intelcia. Trois semaines plus tard, Drahi visite les locaux d’Intelcia. Bernoussi et Youssef El Aoufr lui proposent alors d’acquérir 40 % de l’entreprise pour 2 millions d’euros, mais Drahi décline l’offre, l’entreprise étant encore modeste. Cependant, il met Intelcia en relation avec Numericable, posant ainsi les bases d’une collaboration. En 2016, Drahi finit par acheter 65 % du capital d’Intelcia, devenant ainsi actionnaire majoritaire du leader marocain de la relation client.

Bien que ce partenariat puisse signifier une perte de contrôle, Bernoussi et El Aoufir ne s’en inquiètent pas et restent confiants. En effet, les négociations ont permis de garantir une autonomie de gestion, Intelcia conservant ainsi son identité et sa liberté d’action. Ce partenariat se révèle fructueux : en 2016, Intelcia réalise moins de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires ; en 2023, elle approche les 740 millions, avec une marge d’EBITDA supérieure à 10 %. Intelcia gère désormais une grande partie des activités de SFR, la filiale télécom d’Altice, et s’ouvre à de nouveaux marchés.

Grâce à cette expansion rapide et stratégique, Intelcia est passée d’un simple centre d’appels à un acteur global de la relation client. L’entreprise bénéficie aujourd’hui d’une réputation solide, avec une clientèle diversifiée et une empreinte internationale forte.  

Les principaux métiers d’Intelcia restent ceux de la relation client (CRM), du BPO (externalisation des processus d’affaires) et des services back office, avec un fort accent sur le service client et la vente, moteurs de sa croissance. Pour s’imposer comme acteur global, Intelcia a non seulement élargi ses marchés géographiques mais aussi diversifié ses activités.

La seconde branche de diversification est l’infogérance IT, englobant le développement informatique et la supervision des infrastructures techniques.

Une entreprise marocaine au rayonnement international

Aujourd’hui, leader de l’externalisation, l’outsourceur marocain spécialisé dans la gestion de la relation client est implanté dans 19 pays, répartis en Europe (France, Portugal, Espagne, Roumanie, Royaume-Uni), en Afrique (Maroc, Tunisie, Égypte, Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire, Madagascar, Maurice) et en Amérique (États-Unis, Colombie, République Dominicaine, Chili, Brésil). Il compte 40 000 collaborateurs répartis sur 88 sites. Classé en tête des outsourceurs au Maroc et 26e parmi les plus grandes entreprises marocaines selon le classement annuel « Les 500 Global », il occupe également la 3e place en France, selon le dernier rapport du SP2C, baromètre de référence des centres de contacts externalisés.

Malgré ces succès, Bernoussi vise une croissance sans limites. Pour l’année prochaine, son objectif est clair : atteindre un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros et figurer dans le top 10 mondial.

La stratégie nationale « Maroc Digital 2030 », qui s’appuie sur des secteurs matures comme l’outsourcing pour générer rapidement de l’emploi et doper parallèlement l’export, peut compter sur le soutien du numéro 1 des outsourceurs marocains.

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